
Lieu de réception et d’agrément, l’édifice suit la mode de son siècle et donc les règles de l’architecture de la Renaissance, qui abandonne le gothique au profit de l’esthétique antique. Le nom du maître d’œuvre du chantier demeure aujourd’hui inconnu, mais ses sources d’inspiration transparaissent à travers les formes du château. Jacques Androuet du Cerceau, l’architecte qui a construit le Pont Neuf à Paris, Philibert Delorme, bâtisseur du Palais des Tuileries ou encore Sebastiano Serlio, auteur d’un important traité d’architecture, ont sans doute influencé le style de Kerjean. Cependant, les préoccupations architecturales de la famille Barbier ne sont pas qu’esthétiques. On ordonne alors l’édification d’une grande enceinte défensive de forme trapézoïdale et qui est flanquée d’un petit bastion à chacun de ses quatre angles. Cette enceinte est remparée, c’est-à-dire que derrière ses épais murs en maçonnerie est entassée une grosse levée de terre dont le sommet aplani peut servir de plate-forme d’artillerie. Les bastions sont munis de casemates étagées sur plusieurs niveaux. Elles permettaient aux défenseurs d’effectuer des tirs de flanquement le long des courtines. Ces bastions miniatures ainsi que le remparage de l’enceinte répondaient aux derniers progrès de l’architecture militaire de cette époque. Un fossé sec entoure cette enceinte. Il est franchi par un pont dormant menant à la double porte (charretière et piétonne) traversant le rempart.
En 1618, la famille Barbier demande à Louis XIII que le domaine de Kerjean soit érigé en marquisat. Le roi, qui considère le château comme l’une des plus belles demeures de France, accède à la requête des propriétaires. Quelque peu délaissé au xviie siècle, l’édifice retrouve son éclat avec les successeurs des Barbier, les Coatanscour. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, Suzanne Augustine de Coatanscour, épouse de François-Gilles de Kersauzon, y reçoit la noblesse léonarde dans un cadre luxueux. Mais la Révolution française met un terme à ce prestigieux train de vie : la marquise de Coatanscour est arrêtée, emprisonnée à Brest et guillotinée.
« Dernière châtelaine de Kerjean (aucun des enfants du couple ne survécut longtemps), elle se renferma dans sa demeure qu’elle tint continuellement sur le pied de guerre, faisant garnir les remparts et les tours de couleuvrines et d’engins de défenses ; les ponts-levis étaient relevés tous les soirs au son de la cloche et les clefs du château déposées à la fin du jour au chevet de son lit. Elle fut l’orgueilleuse princesse des dernières années de la Monarchie, mais elle sut aussi se faire aimer des pauvres dont elle ne cessa de secourir les misères et qui gardèrent, comme ses serviteurs, le pieux souvenir de ses bienfaits. Elle fut arrêtée dans son château, condamnée à mort et guillotinée à Brest le 9 messidor an II (27 juin 1794). »