La période de la reconstruction
En mai 1946, le marché est signé avec la Société Française du Vialit. L’exploitation de concassage de Tréguennec doit produire une moyenne journalière de 150 t de gravillons destinés principalement à la reconstruction du port et de la ville de Brest. Une autre partie sera ventilée sur tout le département afin de remettre les chaussées en état. L’exploitation se fait uniquement sur le stock laissé sur place par les Allemands.
Les premières livraisons officielles pour Brest ont lieu au cours de l’été 1946, à la gare du Relecq-Kerhuon. Dans la même période, l’entreprise découvre des obus de 77 et de calibres inférieurs, non éclatés, dans les tas de matériaux. Le service de déminage dépêche deux PGA munis de détecteurs, près de la pelle mécanique qui effectue le chargement. Quelques engins sont repérés et enlevés avant le concassage. En octobre 1946, Tréguennec approvisionne en ballast le chantier de mise à voie normale de la ligne Pont-l’Abbé-Saint-Guénolé. Parallèlement, certains établissements envisagent de s’installer dans la région pour créer un chantier de fabrication de poutrelles et hourdis précontraints, afin de desservir les villes sinistrées, de Saint-Nazaire à Cherbourg. Le problème est de savoir si, une fois le stock épuisé, le chantier de concassage pourra continuer en exploitant le cordon dunaire.
En décembre 1946, Tréguennec tourne à plein rendement. Il emploie 26 ouvriers qui travaillent dix heures par jour, six jours sur sept. Mais la voie ferrée, sans entretien, commence à donner des signes de faiblesse.
Face au chantier de Tréguennec, se trouve une carrière non exploitée appartenant à la commune. Il serait intéressant de pouvoir en tirer les matériaux nécessaires aux routes de la région, car leur remise en état nécessite la mise en œuvre d’une importante quantité de pierre cassée. Un apport de cette carrière, située en face des installations de Tréguennec, serait le bienvenu. L’accord avec la mairie ne peut se faire.
En décembre 1946, la SNCF rend son rapport : l’état de l’embranchement Pen Enez-Tréguennec est catastrophique, par manque d’entretien. Grand nombre de traverses sont à changer rapidement, l’herbe pousse entre les rails et l’élagage des bords de voie devient très urgent. Le 28 février 1947, un train de gravier déraille à un kilomètre de Pen Enez. Le 6 mars, dans le chantier, la machine 230-404 déraille de trois essieux. Une remise en état sommaire est faite en mai par la société Dumez.
Dans le même temps, Brest fait part de l’importance de ses besoins en gravillon. Mais la production de ballast est déjà insuffisante pour alimenter le chantier de mise à voie normale de la voie ferrée Pont-l’Abbé-Saint-Guénolé. Et la fourniture ne peut être suspendue qu’une fois l’opération de ballastage menée jusqu’à la gare de Guilvinec.
La fermeture
Durant l’été 1947, la reconstruction bat son plein. Les deux tiers du stock allemand sont épuisés. L’administration est face à un choix :
- arrêter le chantier et démonter l’installation, après épuisement du stock ;
- ou au contraire poursuivre le concassage, grâce à de nouvelles extractions — de l’ordre de 80 000 m3 — sur le cordon littoral.
Le rapport stipule que les besoins en matériaux pour la reconstruction sont immenses et que les carrières sont toujours dans l’impossibilité de faire face aux demandes. Il serait donc économiquement avantageux de poursuivre l’extraction, si le service maritime estime que ces prélèvements ne sont pas incompatibles avec la sécurité des régions voisines (car le cordon littoral est aussi un cordon de protection en maints endroits). La réponse du service maritime est sans équivoque : l’extraction massive effectuée par les Allemands a eu pour effet d’affaiblir dangereusement la dune. Tout nouveau prélèvement serait susceptible de causer sa rupture et d’entraîner la submersion des terres riveraines. L’exploitation s’arrête donc à l’épuisement du stock, c’est-à-dire vers la fin de l’année 1947. En septembre, les travaux de mise à voie normale de la ligne Pont-l’Abbé-Saint-Guénolé se terminent. En octobre, le concasseur tombe en panne sur une dizaine de jours, et le stock restant de galets est concassé début décembre. Il reste à épuiser les matériaux concassés.
Les grandes marées de février 1948 ont raison du cordon dunaire, en particulier de la section de deux kilomètres comprise entre le chantier et l’étang de Trunvel.
Le samedi 21 février 1948, l’administration ferme officiellement le site. Les installations sont démontées et vendues par les Domaines vingt mois plus tard, le 5 octobre 1949, à 14 h 30, au cours d’une « vente aux enchères verbales et soumissions cachetées ».
La poursuite illégale des prélèvements
Des entrepreneurs locaux poursuivent pendant une trentaine d’années des prélèvements dans le cordon de galets ; le point de non-retour est atteint en février 1966 avec sa rupture, des vagues éventrant ce rempart naturel et la mer inondant la palue.
Ce n’est qu’à partir de la décennie 1990 que les collectivités locales ont pris conscience de l’enjeu et commencé à mener des politiques volontaristes de préservation du milieu naturel.